"Renskiljning" ou la collecte des Rennes

Publié le par Thierry de Pablos

Voici une vidéo que j'ai réalisé en janvier 2004 par moins 35 C dans les environs de Marielund avec les Sâmes du village de Svaipa et nos amis Anki (en bonnet blanc et lunettes noires) et Leif Anders Blind (ou LAB en rouge): Désolé pour la qualité tremblante des images mais c'est de l'action et aussi pour le montage qui est à refaire car le logiciel m'a joué des tours...
 

Renskiljning ou la collecte des Rennes
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une vue hivernale sur les montagnes frontalières de la Norvége : les rennes y pâturent l'Eté en liberté

Il y a cinq villages lapons dans la commune d'Arjeplog par exemple mais ce terme ne définit pas un village de maisons mais plutôt une communauté de lapons qui partagent l'usufruit de pâturages montagneux ou forestiers.
Jusqu'au 19e siècle, les lapons étaient propriétaires de leurs terres traditionnelles -car s'acquittant de taxes foncières- mais la conquête de la Laponie par les colons suédois au 19e siècle a permis à l'Etat Suédois de s'accaparer de ces espaces et d'en spolier les lapons, leur reconnaissant juste depuis les années 1970 des privilèges de chasse et de pêche ainsi que l'usufruit des pâturages ancestraux, l'enjeux étant les royalties de nombreuses mines de la Laponie : à titre d'exemple, la mine de Fer de Kiruna pése pour 18 % dans le PIB de la suéde !
Cette situation mécontente bien évidemment une partie des communautés lapones qui continuent à revendiquer leurs titres de propriétés sur leurs terres ancestrales alors que par ailleurs, les descendants des colons suédois jalousent les privilèges de chasse et de pêche accordés aux lapons, ce qui provoque un racisme latent et une discrimination quotidienne envers les lapons. C'est un sujet tabou dans une société suédoise qui ne supporte pas de questionnement sur sa société soit-disante ultra-avancée, bien injuste pourtant à bien des égards et qui n'est plus que l'ombre d'elle-même.

Le renskillning signifie le rassemblement des hardes de rennes dans un immense coral du piémont montagneux avant la transhumance d'hiver vers la côte baltique : depuis septembre, les lapons de chaque village vont dans les montagnes -en moto cross, en motoquad, en hélicoptère, en scooter des neiges- pour rassembler les hardes dispersées puis les conduire vers un grand coral situé parfois à plusieurs dizaines de km.

Après plusieurs semaines d'intense traque par les lapons, deux à trois mille rennes sont ainsi parqués pendant quelques jours dans ce grand coral du village, puis amenés toutes les dix minutes par paquet de 20 ou 40 vers un coral plus petit où se tiennent une cinquantaine de lapons : ce petit coral de 15 métres de diamétre avec un poteau en son centre est constitué d'une palissade, elle-même incluant une quinzaine de portes, chacune donnant vers des enclos appartenant à chaque famille. Plus tard, les rennes seront chargés sur un camion par paquet de 200 à 250, en direction d'une propriété familiale sur la côte où ils passeront l'hiver jusqu'en Avril.

Lorsque le paquet de 20 à 40 rennes arrive dans le petit coral, chaque renne est trié par les familles du village lapon ; En effet, chaque membre de la famille posséde une marque individuelle sur ses rennes : une découpe particulière de l'oreille.
Pour un village, cela peut représenter jusqu'à 400 ou 500 marques à reconnaître à la volée !


Lorsque les rennes tournent dans le coral, chaque famille reconnait immédiatement la découpe de l'un de ses membres, puis le ceinture ou l'attrape par les cornes, et le traîne vers une des portes du coral : là, il est vacciné contre une maladie de peau, puis peinturluré ; ceux qui sont destinés immédiatement à la boucherie se voient l'oreille perçée d'une plaque métallique numérotée : éventuellement il faut ceinturer les grands mâles avec l'aide de quatre ou cinq hommes, scier ses cornes, avant de le relacher au travers de la petite porte de son propriétaire dans son enclos respectif.



Ce jour-là, les températures avoisinaient environ - 20 C° : alors, entre deux paquets de rennes à trier, chaque famille se replie dans son enclos où brûle un bon feu, avec un bon café chaud et de la nourriture : les efforts sont intenses, tenir différents mâles pendant plusieurs minutes pompe toute l'énergie, alors, il faut s'alimenter et boire régulièrement.



Publié dans laisvallby

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